Mercredi 26 mars
3
26
/03
/Mars
14:20
Depuis une semaine, la rage me tient au ventre. Une folle envie de laisser s'extérioriser
mes démons, de lâcher prise, de ne plus me cacher derrière une image trop lisse, trop sage, de m'exprimer dans toutes mes contradictions. Ce n'est pas toujours facile de s'éveiller en décidant
d'être soi, de ne plus accorder d'importance au qu'en dira-t-on, aux rumeurs, aux opinions butées. Comme une vengeance qui ne demande qu'à être consommée...
La question est la suivante: comment apaiser cette souffrance, ce manque de vérité, cette sensation d'étouffement de ma véritable nature? Une idée surgit de mon esprit soudain basculé du côté
obscur de la force, cette part de moi qui joue avec les autres, ne ressent aucune compassion, aucun remords, se satisfait du néant de sentiments. Et je trouve enfin ce qui pourra m'aider à
retrouver un équilibre fragilisé.
Je me décide à rappeler un ancien amant. Cet homme m'a fait connaître des orgasmes d'une violence inouïe, insatiable, capable de passer des nuits entières à me culbuter, me lutiner,
m'envoyer en l'air dans une bestialité à peine réprimée. C'est fou ce qu'il m'a blessée, ne concevant pas la relation derrière la liaison. Inversion des rôles. Aujourd'hui je suis forte d'une
blessure causée par un autre. Il en fera les frais.
Un simple sms, après des mois de silence, suffira à réveiller ses instincts les plus bas, à susciter une curiosité qu'il ne pourra qu'assouvir. Quelques mots venus de nulle part, comme le rappel
d'un passé révolu: "que fais-tu cette nuit entre 1h et 3h?". Je sais que la réponse ne se fera pas attendre. Et j'ai raison. A peine quelques secondes plus tard, la réponse arrive, consternante
de prévisible: "tu m'invites chez toi?" Je refuse qu'il vienne salir mes souvenirs d'un autre et lui réponds que je le rejoindrai à son appartement. Qu'il laisse la porte ouverte,
j'arriverai à 1h.
Et, comme convenu, j'arrive à 1h dans ce quartier de la banlieue chic de Paris, vide, triste, où rien ne vient troubler la quiétude d'habitants engoncés dans leurs petites habitudes sans
fantaisie. J'entre dans l'immeuble, monte les quelques marches qui me séparent de son étage et m'introduis dans son appartement. Il est devant la télévision, regarde un DVD, couché sur un canapé
qui a dû en voir d'autres... Je me plante devant lui et laisse tomber mon manteau, découvrant mon corps nu à l'exception de talons vertigineux.
Il reste planté, ahuri. Jamais il n'aurait pensé que j'oserais ça. Il ne s'attendait pas à ce que je m'offre à lui sans résistance aucune. Il n'a rien compris: je ne m'offre pas, je le prends.
Aussitôt, il commence à parler. Je ne veux pas l'entendre, écouter son refrain usé d'avoir été trop souvent répété. Je m'approche de lui, plaque mes lèvres contre les siennes pour le faire taire,
saisit son sexe dressé et l'enfourche telle une amazone.
La surprise se lit sur son visage. Pas d'explications, pas de paroles inutiles, je ne veux que son membre en érection, même ses baisers n'ont aucun goût. Je laisse mon esprit vagabonder vers
d'autres destinations, je refuse de m'abandonner à l'instant présent. C'est un pur moment de sexualité sauvage, je soulage mes envies en le faisant pénétrer plus profondément en moi, plus vite,
plus fort. Je n'ai pas peur que cela s'arrête, je connais sa faiblesse, je sais qu'il ne se laisse pas aller à sa propre jouissance.
Un plaisir cru m'envahit, c'est mon corps qui jouit tandis que ma raison s'éteint. Ce plaisir contient toute la violence que j'ai refoulée, la transforme en appétit égoïste, seules mes sensations
m'importent, je me fiche du reste. Notre étreinte tient plus d'un élan sportif que d'une joute sensuelle. Je me bats contre mes sentiments, les refoule loin derrière la satisfaction charnelle,
comme si ce désir qui brûle mes reins éteignait la douleur que connait mon âme.
Ma vision se trouble alors: une image s'impose à moi, celle de l'homme que mon corps attend, mes yeux s'emplissent de larmes. Je chasse aussitôt cette pensée pour que mon corps exulte dans
les bras d'un autre, que son sexe envahisse le mien dans un élan à peine contrôlé, un accouplement au sens le plus animal du terme. Je chevauche cet homme sans retenue, pour que son
sexe entre plus profondément en moi, je pose ses mains sur mes seins, l'embrasse à pleine bouche. Je le domine sans hésitation, dirige ses mouvements et les miens, ne lui laisse aucune
liberté.
Le réveil posé à côté du lit affiche trois heures. Je plante là mon étalon, sonné par nos ébats, et me dirige vers le salon. Il pense que je vais chercher à boire. Il a
tort. J'enfile mon manteau et passe la porte, descends les escaliers et avant qu'il se soit rendu compte de mon départ m'engouffre dans ma voiture. Je suis passée de l'autre côté du miroir: je me
suis oubliée moi-même dans une séance de sexe torride, pour ne pas me souvenir de la douleur que je ressens, pour me prouver que ce n'était pas si important...